Il fut un temps où de très nombreux jardiniers cultivaient leurs racines pour les "forcer" dans la pénombre de leur cave ou même en pleine terre, sous tunnel. Aujourd'hui l'endive consommée provient très peu du potager, et c'est dommage. Mais cela s'explique : sa production à moyenne et grande échelle est certainement la plus technique de toutes les cultures maraîchères, en bio comme en conventionnel. Dans les deux cas, les moyens mis en oeuvre sont très importants et très différents... les délicats semis de chicorée Witloof (feuille blanche) ont lieu en général vers le mois d'avril, afin de donner une racine "forçable" pour octobre. a l'instar de celui de la carotte, ce semis doit être préparé très méticuleusement : le lit de semences est l'objet de tous les soins pour éviter, par exemple, la prolifération de mauvaises herbes qui étoufferaient le départ de la graine (faux semis en bio, herbicide ailleurs). Il va de soi que le rendement au mètre linéaire n'est déjà pas le même à ce stade, selon la méthode employée...

La méthode bio sé différencie catégoriquement déjà, à ce stade de la culture. en effet, notre chicorée est très exigeante pour le sol qui la porte, et elle la laisse exsangue. Il faudra donc, deux, voire trois cultures défférentes à la suite pour la terre "récupère". ce pourra être de la pomme de terre ou du blé... Ces rotations ne sont pas ou peu pratiquées en conventionnel où le sol perd ainsi sa fonction nourricière pour devenir support : la plante y est nourrie directement par apports chimiques. Autant de pratiques intensives qui ont rendu inapte à la production de l'endive les terres des pays de Benelux. Conséquences : les racines forcées là bas sont maintenant produites... dans le Nord Pas de Calais.

en octobre, toutes les racines "souches" sont extraites et stockées dans un froid sec (entre 0° et 1°) : la végétation est ainsi stoppée et notre chicorée prête à entamer sa deuxième vie. Elle pénétrera "racine" dans la salle et en ressortira "chicon" (ou endive), 2& jours plus tard. La salle de forçage bio est un bâtiment obscur, où est maintenue en permanence une température de 18° à 20° et une hygrométrie de 100%. Les racines sont triées et disposées en rangs très serrés dans des bacs métalliques superposables de 1m x 1,20m, au fonds desquels est étalée une couche de tourbe nourricière, comme en conventionnel, à un détail près... qui fait justement la différence. Elle saute immédiatement aux narines lorsque l'on pénètre dans une salle de forçage conventionnelle : une odeur forte et sans nuances, qui ne fait jamais songer à la terre ou à la verdure. Pas de tourbe au fond des bacs, mais une soupe tiède qui circule en permanence d'un niveau à l'autre, passant à chaque cycle dans une machinerie qui analyse les teneurs en engrais minéraux : cette analyse détermine les ajouts nécessaires (azote, potasse) pour maintenir la croissance de l'endive. La température de l'eau est également modulable et il est ainsi possible en l'augmentant ou en la diminuant de réguler la croissance de l'endive. tout en mettant ce que l'on veut dans l'eau pour parer à toute éventualité... Les consommateurs savent ils que leurs endives poussent dans du sirop d'engrais ?

Revenons à notre endive bio. A sa sortie de la salle de forçage, un disque tranchant va séparer l'endive de la racine. L'endive après un effeuillage plus ou moins sévère (pas de feuilles brunies) sera rangées dans des petites caisses en carton. Dernière précaution, veiller à ce que l'air circule librement dans les cartons : notre endive fraîche est à 18 degré au sortir de son séjour en salle et doit progressivement retrouver le froid.